6 octobre 2020

Joséphine Baker envoûte le Théâtre la Scène Parisienne

Dans une scénographie épurée : décors magnifiques, et animations vidéos réussies : deux jeunes comédiens : Thomas Armand et Clarisse Caplan sont à l’affiche de la pièce Joséphine mise en scène par Xavier Durringer assisté par Constance Ponti et Emma Bazin dans la petite salle du théâtre La Scène Parisienne.

Un voyage animé et dansé au cœur d’une biographie iconique celle de Joséphine Baker

Clarisse Caplan incarne de façon très touchante le destin de Joséphine Baker, née en 1906 à Saint Louis dans l’Etat du Missouri aux Etats-Unis. Le public est invité à un voyage grâce à une interprétation remarquable de la jeune comédienne dans différents tableaux très rythmés qui le mèneront de l’enfance miséreuse d’une petite fille espiègle jusqu’aux débuts de la gloire d’une Joséphine devenue une artiste femme accomplie à l’affiche des plus grands théâtres parisiens !

Joséphine Baker interprété par Clarisse Caplan au Théâtre de la Scène Parisienne mise en scène Xavier Durringer
Clarisse Caplan dans Joséphine Baker au Théâtre de la Scène Parisienne. Mise en scène Xavier Durringer.
(c) Photo Aurore Vinot

De l’enfance pauvre à St-Louis à la gloire parisienne !

La talentueuse comédienne semble grandir en même temps que son personnage pour nous offrir une interprétation qui monte en puissance jusqu’à une scène finale où la ressemblance avec Joséphine est troublante ! Sur scène, elle n’interprète plus Joséphine, elle EST Joséphine ! Elle louche, elle fait des mimiques et réalise une interprétation sans faute ! Son petit accent américain est maîtrisé avec brio, et toute sa gestuelle est d’une justesse qui est parfaitement fascinante, elle incarne si bien Joséphine que Joséphine renait grâce à elle dans ce corps gracieuse et cette silhouette élancée qui est tour à tour nonchalante et sensuelle.

Un duo dynamique : Thomas Armand donne la réplique à Clarisse Caplan

Son complice Thomas Armand, lui donne la réplique et enchaîne, quant à lui, une galerie de personnages tout aussi farfelus et impressionnants les uns que les autres…

Clarisse Caplan et Thomas Armand dans Josephine B. (c) Théâtre La scène Parisienne

Coup de cœur et mention spéciale pour le personnage de la mondaine qui fait rire les spectateurs jusqu’aux larmes. Rencontre déterminante à New York, elle deviendra son impresario et c’est grâce à elle que Joséphine prendra le bateau pour la première fois de sa vie pour Paris… L’émerveillement de Joséphine lors de son arrivée dans la capitale est d’ailleurs très bien retranscrite, tout l’enthousiasme : la rencontre avec les artistes peintres de l’époque pour lesquels elle pose nue ou avec les musiciens des clubs de jazz en vogue de St-Germain-des-Prés.

Bye Bye l’Amérique raciste et bonjour Paris !

Il faut rappeler que Joséphine Baker quitte les Etats-Unis à une époque où l’Amérique n’était pas prête à voir éclore une grande star noire ! « Bye bye, l’Amérique, Bye Bye le racisme !  » et « Bonjour Paris ! «  Paris qui malgré ses petites rues et ses petits théâtres est prête à accueillir une immense star en devenir !

La pièce est agrémentée de pas de danse d’époque comme le charleston, le lindy up et autres danses très sautillantes et acrobatiques en tous genres joyeusement exécutées par les comédiens sous la direction chorégraphique de Florence Lavie.

La danse est très présente dans la pièce comme elle l’a pu l’être dans la vie de Joséphine Baker ! Il n’est pas exagéré de dire que c’est la danse qui l’a littéralement sauvée : enfant boniche, cet art était son seul moment d’évasion, elle créait des petits spectacles avec trois fois rien dans lesquels elle faisait déjà des grimaces et louchait pour faire rire ses amis.

Thomas Armand et Clarisse Caplan dans Joséphine au Théâtre de la Scène Parisienne. Mise en scène Xavier Durringer. Chorégraphie Florence Lavie.
Thomas Armand et Clarisse Caplan dans Joséphine au Théâtre de la Scène Parisienne. Mise en scène Xavier Durringer.
Chorégraphie Florence Lavie. (c) Photo Aurore Vinot

Cette pièce illustre la ténacité d’une artiste qui a toujours cru en des jours meilleurs, qui a d’abord tenté sa chance à New York et n’hésitait pas à essuyer des nombreux refus lorsqu’elle se présentait à des directeurs de théâtre pas commodes, avant de connaître le succès à Paris.

« J’étais toujours la négresse au bout de la rangée ! » Cette différence Joséphine Baker en a fait une force, elle s’est faite remarquer par ses grimaces pour s’imposer au fil des années seule sur scène : la première femme noire à l’affiche des grands théâtres parisiens, quelques décennies seulement après les Expositions Universelles et les zoos humains à Paris !

Le racisme et la place des artistes noirs dans nos sociétés : des questions toujours d’actualité …

Quand Joséphine danse, elle se moque en fait des stéréotypes raciaux que le spectateur blanc peut avoir en la voyant sur scène, et elle en joue poussant au paroxysme les clichés avec une danse animale et extrêmement sensuelle.

La chanson « Strange Fruits » de Billie Holliday nous glace le sang. C’est toute le génie de cette pièce mise en scène par Xavier Durringer où s’enchaînent avec fluidité les numéros de claquettes et les moments historiques plus douloureux : la ségrégation aux Etats Unis, le racisme, l’assassinat de Martin Luther King, la lutte de Rosa Parks, et c’est finalement la place des artistes noirs dans nos sociétés dont il est question, ici, interrogation toujours urgemment d’actualité.

Joséphine Baker n’est pas une comédie musicale, mais une excellente pièce de théâtre avec des passages dansés et chantés utilisés avec précision et à des moments opportuns comme des respirations essentielles à la pièce dont le propos n’est pas toujours joyeux.

Les costumes magnifiques sont la création de Catherine Gorne assistée par Isabelle Le Lièvre : plumes, perles, et ceintures de bananes pour la final de la pièce !

Josephine B. au théâtre La scène parisienne. (c) Théâtre La Scène Parisienne

A l’affiche de Joséphine B. : deux jeunes interprètes formidables qui tiennent avec force et conviction une pièce joyeuse mais aussi grave sur les violences policières, le racisme et les moments de la vie de Joséphine les plus tristes : elle n’a jamais eu d’enfant confie t-elle à un journaliste suite à une fausse couche. C’est pourquoi elle adoptera 12 enfants qui formeront sa tribu arc-en-ciel.

Un fidèle portrait qui n’oublie aucune facette importante de la vie de cette femme extraordinaire : sa vie privée, ses enfants, ses amis, son excentricité elle qui se baladait toujours avec sa panthère noire Chiquita « l’amour de ma vie » et ses autres histoires d’amour vite éclipsées…

Une pièce vibrante et touchante avec un bel hommage à une personnalité artistique historique, qui a un écho dans les questions d’actualité contemporaines : violences policières, racisme …

On ne s’ennuie pas une seconde, l’enchainement des tableaux et des répliques est très dynamique, et les dialogues sont justes ! Le succès de la pièce s’explique par la grande maitrise du juste milieu qui est tout un art ! Le sujet était trop important pour passer à côté et il aurait été dommage de tomber dans une caricature ! Un hommage réussi qui ne tombe pas à aucun moment dans l’excès et permet d’évoquer avec émotions différentes facettes de la vie d’une femme extraordinaire !

Voyage dans l’immense biographie de la grande Joséphine Baker avec quelques temps forts ! Tout ne peut pas être évoqué en 1h20, mais la pièce ravira aussi bien les fans inconditionnels de Joséphine Baker que les personnes qui l’a découvriront grâce à ce portrait réussi qui poussera leur curiosité à en savoir plus … à voir absolument jusqu’au 3 janvier 2021 !

Théâtre La Scène Parisienne

34 rue richer, 75009 Paris

01 40 41 00 00

Plein tarif : 28 euros

Représentation tous les jeudis, vendredis et samedis à 19h et tous les dimanches à 15h

à voir jusqu’au dimanche 3 janvier 2021

Réservez votre place

Pour aller plus loin :

Conseil lecture : Coup de cœur pour la bande dessinée Joséphine Baker de Catel et Bocquet aux éditions Casterman

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Commentaires

Raphaël Michon
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Un grand merci pour ce bel article !

Desforges
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On souhaite à Clarisse Caplan et son alter ego de scene , le meilleur pour un succes partage au fil des souvenirs rythmes de Josephine Baker car Paris restera toujours celui des amours et des artistes , même si nos annees actuelles sont moins folles , gardons l'esprit festif et l énergie en venant prendre toutes les particules solaires au théâtre de la scène parisienne .Un grand merci à toute l équipe du théâtre ainsi qu'à Xavier Durringer pour avoir soutenu cette magnifique performance .
Pas si évident de se glisser dans les plumes arc en ciel de la Vénus d Ébène, un exercice de style à hauts risques ..
Merci et Bravo à toutes et tous .