22 janvier 2019

Petite histoire du wax : décolonisons la mode

A l’occasion de la Fashion Week, Les Etats généraux de la mode se sont tenus à la Colonie à Paris, les 19 et 20 janvier 2019. Lors de ce week-end spécial sous forme de séminaire expérimental, la thématique générale était : décolonisons la mode. Les nombreux intervenants organisés sous forme de tables rondes ont débattu avec passion. Revenons sur l’histoire du Wax, star des podiums. 

De toutes les matières c’est la wax qu’on préfère !

De Douala à Bamako, d’Abidjan à Cotonou, de Paris Barbès ou Château Rouge à New-York, le wax est depuis quelques années devenu une star incontournable de la mode occidentale. A la une des magazines de mode et des défilés, mais aussi des magazines de déco, le wax s’invite partout dans nos gardes robes et nos appartements par petite touche ou en total look. Wax caméléon, tantôt espadrilles, cravates, nœuds paps, sac à mains, valises ou parapluies. Wax d’ameublement : coussins, lampes, caches-pots pour cactus, tabourets ou tables basses. Attention toutefois à l’accumulation de motifs et de couleurs et surtout attention à ne pas frôler l’overdose !

Parapluies en wax. Image libre de droit (CC)

Comme dirait l’anthropologue Anne Grosfilley dans son ouvrage Wax and Co paru en 2017 aux éditions de la Martinière : « Trop de Wax tue le wax ! « 

Le wax est devenu sociologiquement l’étendard d’une africanité pour toute une génération et notamment pour des stars afro-américaines comme Beyoncé qui le portent fièrement comme signe d’appartenance à une communauté et revendique par ce vêtement identitaire leur descendance africaine.

Mais, le wax est devenu bien plus qu’un simple vêtement, il peut revêtir des symboliques religieuses, publicitaires ou politiques.

Un des exemples les plus emblématiques est celui de Mobutu, qui dans sa folie mégalomane, a fait imprimé des milliers de yards d’un wax imprimé léopard avec son portrait en médaillon. En effet, il aimait lors de sorties publiques que toute la population lui rende hommage.

Plus récemment, à l’élection de Barack Obama, le pagne présidentiel à son effigie a fait un carton international. Le sac à main de Michele Obama, est quant à lui, un motif de pagne très prisé, notamment par les femmes au Nigéria qui se l’arrachent et plus largement plébiscité sur tout le continent. Le motif du sac à main de l’ex-première dame est d’ailleurs répertorié dans les imprimés de Vlisco la référence hollandaise.

Le Wax est aussi souvent le garant d’une tenue sympa et colorée pour les occidentaux qui rêvent d’ailleurs et d’exotisme. Les sappeurs du Congo, rêvent eux aussi d’ailleurs en portant des vêtements des grands couturiers, français, anglais, italiens ou japonnais.

Les créateurs occidentaux l’utilisent comme un vocabulaire nouveau qui vient enrichir leur univers. Un souffle d’exotisme  sur la mode occidentale. Et ce n’est pas nouveau. Déjà en 1967, Yves Saint Laurent consacrait une collection à l’Afrique intitulée Bambara.

Tous en wax !

Jean-Paul Gaultier, Louis-Vuiton, Agnès. B, Balmain, Stella Jean, Dries Van Noten, ou plus récemment la styliste britannique Stella Mc Cartney (par ailleurs fille de Paul Mc Cartney des Beatles) dont le défilé à la dernière fashion week a fait polémique et suscité de vives réactions et enflammé le débat autour de la réappropriation culturelle, tous ont utilisé plus ou moins grossièrement ces dernières années du wax dans leurs collections.

Défilé Stella Mc Cartney, Fashion week 2018. © Stella Mc Cartney, Catwalk/ Getty Images

Ainsi, on a pu voir Anna Wintour, en 2012, la grande prêtresse de la mode, rédactrice en chef du magazine VOGUE USA arboré un imper’ tout en wax signé Burberry. Très vite imitée par d’autres stars comme les chanteuses Lady Gaga ou Gwen Stefani.

Tous en wax comme nouveau slogan de la branchitude poussée au paroxysme du cool. En France, c’est la comédienne Blanche Gardin qui à la cérémonie des Césars en 2018 est apparue toute de wax vêtue ! Si elle n’a pas repartie avec un César, sa robe en wax, a en revanche, elle été sacrée plus belle robe de la cérémonie par le magazine ELLE, son secret : By Natacha Baco, une marque en vogue qui surfe aussi sur la tendance wax.

La même année, le chanteur Mathieu Chédid en tournée avec ses musiciens maliens pour l’album Lamomali ne quitte plus ses zizis Repetto en wax, modèle unique conçu pour la star, vendues en boutique environ 300 euros la paire. De même dans ses clips et sur scène, M ne se sépare jamais de sa panoplie de vestes en wax griffées Jean-Paul Gaultier !

Histoire du wax : son ancêtre le batik indonésien

Mais revenons sur l’histoire de ce petit bout de tissu en coton nommé wax, dont l’ancêtre le batik indonésien est inscrit au patrimoine immatériel de l’Humanité de l’Unesco depuis 2009. Petit bout de tissu très convoité, le wax est l’objet de beaucoup de fantasmes sur l’identité africaine, alors que paradoxalement sa production et sa commercialisation sont historiquement et majoritairement européennes, sans parler de la concurrence chinoise qui est une menace sévère à prendre très au sérieux aujourd’hui à l’heure de la globalisation où les copies bon marché peuvent tromper l’œil des clients les plus avertis qui ne jurent que par « le véritable wax hollandais ».

Wax, cire en anglais désigne le procédé technique de tampons sur tissus hérité du batik indonésien, puis commercialisé par les hollandais et les anglais. Certains historiens remontent plus loin dans ses origines et affirment qu’un procédé similaire existait déjà en Egypte pharaonique. 

A qui profite cette folie wax ?

Le marché du wax est lucratif : il représente plus de 300 000 millions d’euros à l’heure où la maison hollandaise de luxe Vlisco a fêté ses 170 ans d’existence. A qui profite cette folie wax quand la production chinoise représente 90% du marché et celle sur le continent seulement 10% ? Comment survivent les créateurs qui ont fait le choix de produire exclusivement sur le continent et permettent par leur engagement de maintenir cette faible statistique de 10% ?

Les jeunes créateurs issus de la diaspora, sont de nouveaux entrepreneurs qui mettent un point d’honneur à développer économiquement leur pays d’origine grâce à leur marque de vêtements.

Shade Affogbolo créatrice de Nash Prints depuis 2013 nous explique que si elle a utilisé du wax jusqu’à maintenant ce n’est pas la fin du projet mais juste un moyen pour se faire connaitre.

Faute de moyens elle reconnaît avoir acheté du wax chinois car le Vlisco reste trop onéreux pour sa marque en plein développement. Mais l’atelier de son couturier Parfait au Bénin à Cotonou permet de faire vivre et travailler une dizaine de personnes.

Sa collaboration avec la marque de prêt-à-porter Pimkie a permis de faire connaitre la marque à plus grande échelle. Elle a été un tremplin pour vendre des collections à des boutiques américaines, françaises, et bruxelloises. Tout cela a permis de réinvestir les bénéfices et d’acheter des machines et équiper davantage l’atelier béninois à Cotonou.

Lorraine Koné, créatrice de la marque Korry Wade depuis 2015, a également un fort engagement social car pour chacune de ses ventes via son e-shop : un euro est reversé à des associations de jeunes mères et à leurs enfants en Côte d’Ivoire et au Ghana.

Un article paru dans Le Monde le 12 janvier 2017 intitulé : Comment le wax fait croire qu’il est africain et étouffe les vrais tissus du continent ? pose une autre polémique.

En effet, comment lutter contre le monopole du wax et faire connaître les autres textiles made in Africa ?

La starification du wax se fait au détriment des autres textiles encore trop méconnus. Comment les stylistes travaillent pour inverser cette tendance et faire connaître l‘immense panel des autres textiles africains ?

Lorraine Koné, créatrice de la marque Korry Wade envisage la problématique ainsi«  Le wax est africain culturellement même s’il a son histoire complexe. Donc il n’est pas question de décoloniser ce tissu mais plutôt de se le réapproprier. Nous sommes encore en plein processus de décolonisation donc on ne peut pas parler de décolonisation de ce tissu alors que le processus n’est pas encore terminé. Je me suis réapproprié le wax pour son côté affectif. Pour moi le wax a été un pied à l’étrier pour me faire connaître sur le marché comme marque africaine, mais je suis profondément inspirée par tous les autres textiles du continent et j’ai envie de créer une renaissance de tous ces tissus traditionnels africains en valorisant tous ces savoir-faire !  « .

Le bogolan, le kenté, le bazin, l’indigo connaîtront-ils un jour la même success story que le wax ?

 

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