20 octobre 2020

Kapwani Kiwanga, prix Marcel Duchamp 2020

Cette année, le prix Marcel Duchamp fête ses 20 ans !

Crée en 1994 par Gilles Fuchs, l’Adiaf (Association pour la diffusion internationale de l’art français) dont la mission principale est de contribuer au rayonnement international de l’art contemporain français, décerne chaque année le prestigieux prix (35 000 euros) à un artiste de la scène artistique française. Surprise, cette année, le lauréat est une lauréate…

Kapwani Kiwanga s’est vue décerner le prix lors de la traditionnelle cérémonie au Centre Pompidou, partenaire historique du prix.

Cette année, le lauréat est une lauréate !

Bernard Blistène, Directeur du Musée National d’art Moderne, Centre Pompidou et Gilles Fuchs, Président de l’Adiaf ont recompensé cette année Kapwani Kiwanga, lauréate du prix Marcel Duchamp 2020, année qui marque les 20 ans du prix.

Gilles Fuchs, président de l'ADIAF et Kapwani Kiwanga, lors de l'annonce du Prix. Photo © Claire Nini
Gilles Fuchs, président de l’ADIAF et Kapwani Kiwanga, lors de l’annonce du Prix. Photo © Claire Nini

Pour cet anniversaire, les 19 lauréats des éditions précédentes sont présentés dans les collections permanentes du Musée, dans une scénographie pensée par le commissaire Nicolas Liucci-Goutnikov.

Dans ce parcours qui s’intègre aux collections permanentes, on retrouve quelques artistes femmes, ex-lauréates du prix Duchamp dont les œuvres sont disséminées au niveau 4 de l’Institution culturelle parisienne : Dominique Gonzalez-Foerster (2002), Carole Benzaken (2004), Tatiana Trouvé (2007), Latifa Echakhch(2013) … mais la parité est loin d’être parfaite.

En effet, Kapwani Kiwanga est seulement la cinquième artiste femme à se voir décerner ce prix.

Kapwani Kiwanga, artiste plasticienne et anthropologue

Portrait Kapwani Kiwanga. Photo © Manuel Braun
Portrait Kapwani Kiwanga. Photo © Manuel Braun

Originaire de la Tanzanie, de nationalité canadienne, mais installée à Paris, Kapwani Kiwanga, née en 1978 à Hamilton (Canada) est une artiste pluridisciplinaire, s’inscrivant à la frontière des arts visuels et de l’anthropologie.

Représentée par la galerie Jérôme Poggi en France, l’artiste a présenté dans le cadre de l’exposition des Nommés du Prix Marcel Duchamp, un travail plastique, sensible et floral, chargée d’une puissante symbolique géopolitique.

Sophie Duplaix, conservatrice en chef du service des collections contemporaines du Centre Pompidou et commissaire de l’exposition des nommés du Prix Duchamp, commente :

« Les études d’anthropologie de Kawani Kipwanga ont fortement imprégnées sa démarche artistique. Cette installation est une œuvre protocolaire. Les images d’archives ne sont pas exposées et vous ne les verrez jamais, mais vous avez des cartels qui indiquent les pays, l’énoncé de l’événement et la composition florale qui correspond. »

« Flowers for Africa », une installation poétique et politique

Initié en 2013 au Sénégal, le projet « Flowers for Africa » se poursuit et pousse le spectateur à réagir à cette proposition aussi forte qu’inattendue.

Kapwani Kiwanga, anthropologue de formation, a étudié des photographies d’archives et a observé les compositions florales des grandes cérémonies lors des indépendances des pays africains, qu’elle a reproduit à l’identique avec l’aide de Vincent Le Marre, designer floral…

Compositions qu’elle laisse intentionnellement se fâner tout au long de l’exposition qui a commencé en septembre 2020 et se poursuivra jusqu’au 4 janvier 2021.

Vue de l’installation Flowers for Africa de Kapwani Kiwanga, au Centre Pompidou. Photo © Claire Nini

Bouquets commémoratifs, témoins d’une histoire coloniale encombrante que l’on cherche souvent à taire ou à cacher, ce sont des bouquets monumentaux qui envahissent l’espace d’exposition de la galerie 4 du Centre Pompidou.

« Les bouquets floraux étaient pour moi un autre moyen de témoigner de ces moments historiques , ils montrent autre chose que des hommes et des partis politiques. Les fleurs qui sont posées là et qui fânent, permettent d’expliquer que ces moments d’histoire nous échappent et que nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous ne pouvons pas réécrire l’histoire. »

Kapwani Kiwanga

Les liens diplomatiques entre la France et les pays africains sont toujours chargés de protocoles très honorifiques, alors qu’en fait les relations pourrissent ou fânent comme ces compositions florales.

Emanuele Coccia, philosophe et critique d’art est le rapporteur de Kapwani Kiwanga cette année. Pour désigner ce travail il parle de « botanique du temps ». Métaphore intéressante pour ce projet singulier qui est évidemment une référence à la tradition des Vanités dans l’art.

Vue de l’installation Flowers for Africa de Kapwani Kiwanga, au Centre Pompidou. Photo © Claire Nini

L’art permet de transfigurer la violence du monde contemporain

Kapwani Kiwanga a remercié toute l’équipe du Centre Pompidou, de lui avoir donné l’opportunité de pouvoir donner des mots à des formes et à des pensées.

Cette nomination ouvre des nouvelles voies de réflexion essentielles dans les institutions culturelles françaises.

Les thématiques des mémoires coloniales et des archives doivent permettre de construire une histoire en commun. C’est le sens du discours de Bernard Blistène, Directeur du Centre Pompidou qui a clôturé la cérémonie de remise du prix avec cette déclaration forte.

« En écho, à l’exposition Globale Résistance, cette année plus que jamais le prix permet de comprendre comment les artistes s’emparent de la violence de notre monde d’aujourd’hui pour la transfigurer. Aux confins d’une réflexion entre anthropologie et art, nous avons compris comment le projet de Kapwani Kiwanga ouvrait un vaste programme à la fois poétique et politique, un laboratoire de la pensée sur la mémoire et sur l’archive comme sources de transfiguration du monde. »

Bernard Blistène, Directeur du Centre Pompidou
Bernard Blistène annonçant le Prix Duchamp 2020. Photo Claire Nini

Expo des nommés du Prix :

Alice Anderson, Enrique Ramirez, Hicham Berrada, Kapwani Kiwanga

à voir jusqu’au 4 janvier 2021

Centre Pompidou, Galerie 4, Niveau 1

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