5 mai 2017

Le musée Dapper rend hommage au géant Ousmane Sow

Né à Dakar au Sénégal en 1935, le sculpteur de génie Ousmane Sow a tiré sa dernière révérence le 1er décembre 2016 à l’âge de 81 ans.

Ousmane Sow et le Guerrier debout (série « Masaï ») (détail) © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP
Ousmane Sow et le Guerrier debout (série « Masaï ») (détail) © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP

Samedi 29 avril 2017, le Musée Dapper situé dans le 16 ème arrondissement parisien, premier musée à lui avoir consacré une exposition, lui a rendu un hommage ému avec la projection de deux films documentaires signés Béatrice Soulé, le grand amour de sa vie.

Ce fût un hommage international, puisque les projections de ces mêmes films ont eu lieu simultanément dans le théâtre de verdure de l’Institut français de Dakar au Sénégal en présence de la réalisatrice Béatrice Soulé, qui inaugurait également l’exposition « Il faut tenir compte de la stature du sculpteur » au Centre socioculturel Joseph Babacar Ndiaye à Gorée.

L’après-midi parisienne au Musée Dapper a commencé avec le premier documentaire de Béatrice Soulé intitulé « Ousmane Sow ».

Pendant 26 minutes de ce documentaire écrit comme une lettre d’amour de Béatrice à son bien-aimé Ousmane, on observe la créativité de ce génie de la sculpture, célèbre pour avoir imaginé des statues géantes plus vraies que nature aux regards puissants. Ousmane, de ses doigts de kinésithérapeute habitués à manipuler les muscles dans son cabinet parisien, a fait naître d’incroyables familles : les Zoulous, les Peuls, les Masaïs, les Noubas…  aujourd’hui dispersées dans des collections particulières au quatre coins de la planète, que l’on a plaisir à voir réunies dans ces images de 1996.

Il façonne des silhouettes en ajoutant sans cesse de la matière, contrairement aux traditionnels sculpteurs qui créent en taillant et en enlevant de la substance. Avec ses recettes de mélange de matières qui assurent un rendu exceptionnel parfois proche du bronze dont lui seul détenait le secret (macération parfois pendant plus de quatre longues années) Ousmane nous surprend par sa technique et la dextérité de son geste. Tel un embaumeur de momies, il fige ses géants universels dans le temps et écrit à sa manière l’histoire de ces peuples.

Ousmane Sow dans son atelier, 1998 – © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP.
Ousmane Sow dans son atelier, 1998 – © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP.

Ousmane est libre comme ses statues ! Lui qui tient tellement à sa propre liberté de travailler dans son atelier en plein air sans contraintes de dimensions, n’aime pas emprisonner ces corps dans les musées, cela le plonge dans une profonde tristesse et le contrarie ! On ne peut que lui donner raison quand on admire majestueuses ces fières statues dans leur environnement naturel, participant à la vie des villages où elles sont implantées, et respirant la vie !

Plantées à la Biennale de Venise dans des salles d’exposition étriquées, leur expression a changé. Les visages se sont durcis et renfermés comme celui d’Ousmane dont l’excitation de participer à cette grande foire internationale de l’art contemporain et de présenter ses œuvres à côté de celles de Giacometti (son sculpteur préféré) ne suffit pas à lui donner le sourire. Il s’ennuie le grand Ousmane, lui qui a toujours refusé les ghettos des expositions d’art contemporain africain…

Son sourire franc et fier, il le retrouvera à la fin du second film de Béatrice « Ousmane Sow, le soleil en face » (2000). Béatrice a filmé pendant de longs mois de labeurs un visage anxieux et concentré à la préparation de l’installation monumentale des guerriers indiens et des chevaux de la bataille de Little Big Horn.

La tension est palpable, et nous spectateurs, tremblons quand la pluie se déclenche sur les statues inachevées ou quand les manutentionnaires les déplacent une fois terminées, en les arrachant à leur maître qui assiste à ce spectacle silencieux, inquiet de les voir se briser.

Le visage d’Ousmane Sow se détend enfin à la fin de ce documentaire de 55 minutes quand il découvre ébloui et ému l’installation sur l’île de Gorée de tous ces personnages qui prennent enfin vie pendant la Biennale de Dakar.

Ousmane Sow est le premier artiste originaire d’Afrique à être entré à l’Académie des Beaux Arts en 2013 pour l’ensemble de son oeuvre artistique. Une reconnaissance à la mesure de son talent immense… Lui qui mesurait plus de deux mètres, n’était pas un géant que par sa taille…

 

 

 

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